The Action Porn

By matthieu on March 16, 2013 in Points de vue
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Die Hard 5 : belle journée pour mourir définit avec brio ce que nous pourrions qualifier de porno bas-de-gamme du film d’action. J’écarte volontairement le terme cheap pour ne pas paraître indécent dans ma comparaison.

J’aurais aimé prétendre qu’un tel cinéma n’avait pas gangréné nos salles depuis les Chuck Norris des années 90. Malheureusement, mon manque d’ouverture d’esprit m’a muni d’œillères depuis quelques années, me rendant insensible aux affiches et promotions de tels films. Aussi, en toute honnêteté, je ne peux occulter la sortie dans deux semaines de l’écrasant GI Joe Conspiration.

Qu’est-ce qu’un porno bas-de-gamme ? D’énormes sexes en gros plans pénétrant des orifices exagérément dilatés sur fond de situations communes déjà (trop) exploitées.

Dans de tels films, tout est prétexte. Le manque d’imagination dans la réalisation ne laisse pas de place pour celle du spectateur. On surgave un œil lassé pour tenter en vain de l’exciter. En définitif, on cherche du rendement en oubliant totalement la sensibilité d’un public ou son minimum cérébral (dans le porno, l’excitation est quoi qu’on dise intellectuelle).

 

 

Le dernier Die Hard procède aux mêmes manquements, pensant pouvoir utiliser l’aura d’une saga pour maximiser des profits. Il est malheureux de constater que cette méthode fonctionne encore. Même si le film n’atteindra pas le succès escompté, il a largement dominé le box-office en première semaine. Néanmoins, à force de tirer sur les ficelles, elles craquent. Si la Fox entrera dans ses frais au terme de la (sur)exploitation du film, celui-ci n’a satisfait ni les fans ni les habitués des films d’actions. Pire, il rejoindra dans l’Histoire du Cinéma les navets de fin de saga, les suites ratées et les films de trop.

Reste qu’il demeure un point sur lequel la réussite de Die Hard 5 est totale. Avec un culot incroyable, le film réussit à briser un à un les éléments qui faisaient de chaque production de la saga un succès.

Le hasard faisait partie intégrante des anciens épisodes. Il était assumé clairement et a par ailleurs contribué aux bonnes performances du concurrent Jack Ryan. Mais ce n’est pas parce que John McLane répète à chaque scène qu’il est en vacances que l’ironie fonctionne ou que le spectateur y croit.

John McLane vient sauver son fils en Russie (à moins que ce ne soit l’URSS). Muni d’un carnet avec quelques notes gribouillées dessus (‘avocat’ est entouré), il tombe par hasard sur un chauffeur de taxi sympathique qui lui donne les informations voulues. Quelques secondes et ellipses plus tard, il aperçoit la chair de sa chair au tribunal et comprend rapidement que ça va mal tourner (un coup d’œil à droite pour voir un camion militaire caché, un coup d’œil à gauche pour sentir que ça va péter). Les prétextes sont invraisemblables, lourds et vulgaires.

Alors qu’on s’attachait à Bruce Willis lorsqu’il représentait l’homme normal (John, Jack, ça ne s’invente pas), le lambda (Joe en anglais…), l’américain moyen qui souffre, lutte et sue pour finalement triompher, on en fait un vieux détective à la barbe blanche naissante et aux capacités surhumaines (il arrête quand même un 4X4 par la seule puissance de son corps).

Même les méchants sont banals et presqu’anachroniques. Bien que ceux des anciens Die Hard n’aient jamais été d’une grande subtilité, ils avaient pour certains le mérite d’être originaux (le terroriste européen Hans Gruber par exemple). Là, en guise de singularité, le dernier opus ne nous présente pas les vilains habituellement listés par le gouvernement américain (iraniens, islamistes, chinois, coréens…). Il nous fournit avec aplomb d’affreux russes du bloc soviétique ! Chernobyl comme lieu de climax, lumières rouges sur les visages de nos héros, menace atomique, tout y est…

Le mur de Berlin est tombé il y a plus de vingt ans, remember ?

L’introduction ose même nous présenter l’évidente caricature de Poutine (le ministre bientôt président qui contrôle tout) et celle d’un mélange de Khodorovsky (le milliardaire russe) et de Kasparov (la partie d’échec, c’est too much là).  On nous refait aussi le coup du méchant très méchant qui préfère soliloquer cinq minutes devant ses otages (qui viennent de tuer une bonne dizaine de bad guys) au lieu de les exécuter comme il prétend vouloir le faire.

Quelle vision du monde doivent avoir ces scénaristes, et combien ont-ils dû être à se creuser les méninges pour écrire ce scénario ?

De rebondissements ridicules en cheminements insensés, en passant par des dialogues didactiques et grossièrement post synchronisés, ce navet ressemble malheureusement à un très mauvais Indiana Jones, à moins qu’il ne s’agisse d’un ancien James Bond ressorti des tiroirs pour être adapté.

Die Hard 5, c’est aussi une belle journée pour mourir de rire, avec encore cet américanisme primaire qui voudrait imposer des valeurs tendancieuses (10 scumbags tués ne valent pas un officier assassiné) à coup de testostérone et de gros plans obscènes (Les feux de l’Amour ne sont jamais loin dans les dialogues intimes).

 

Au final, c’est l’impression d’avoir vu 100 fois ce film, comme j’ai vu 100 pornos identiques, qui subsiste. A oublier, donc, les longues minutes de course poursuite incohérente et vomitive. A occulter, la désagréable impression que certaines productions ne peuvent s’empêcher d’abrutir le public. A éviter, enfin, de se laisser entraîner dans une salle obscure pour ce qui en toute vraisemblance ressemblait dès la bande annonce à une très mauvaise suite.

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