LA BELLE HISTOIRE PERSANE
Critique du film – Une Séparation –
On pourra reprocher aux chats persans de peu s’intéresser à la comédie. Que ce soit dû à l’intransigeance d’un régime face à la création, peu enclin à l’autodérision, ou bien tout simplement à une tendance nationale, le Cinéma iranien nous a habitués ces dernières années aux drames et films politiques forts.
Une Séparation suit la même lignée : un long drame de deux heures à la mise en scène véloce mais classique.
Alors que je m’attendais à une énième critique du pouvoir en place, filmée illégalement à couvert dans des rues camouflées; j’ai découvert un film s’attaquant de manière subtile à des sujets subversifs en Iran. J’apprends d’ailleurs, après coup, que la production a obtenu, difficilement bien sur, toutes les autorisations demandées (excepté pour filmer dans le palais de justice, mais la reconstitution était parfaitement légale).
Il en ressort pourtant un film exceptionnellement fort, à tous niveaux.
D’un point de vue plastique, la mise en scène n’invente rien mais joue néanmoins d’astuces malines, tels des plans séparant les personnages, une caméra épaule vive pour les scènes urbaines et un découpage énergique afin de mettre l’accent sur les scènes du quotidien, si importantes dans le récit.
Le jeu est exceptionnel de justesse. Pas étonnant que le film ait obtenu les Prix d’interprétation masculine et féminine pour l’ensemble des acteurs et actrices de l’œuvre ! Que ce soient les enfants, qui nous touchent par tant de véracité, ou les adultes charismatiques et émouvants : le film est véritablement porté par ses comédiens et comédiennes.
C’est d’ailleurs là que réside sa réussite. Très vite, j’en ai oublié mon esprit critique envers la mise en forme de l’œuvre.
Car au fond, c’est ça le Cinéma : une histoire qui marque. Qu’importent les conditions de réalisation du film, les choix de découpage du metteur en scène… Une Séparation est avant tout un scénario fort, porté par des acteurs fous. Une Séparation, ou plutôt ma réconciliation avec le cinéma classique oriental. (Il n’y a rien de très radical dans les choix de cadres ou de focales, pas de plans bluffant).
Ça aurait pu être tourné dans n’importe quel pays, ou presque. Aux Etats Unis aussi, la religion tient une place centrale. Les évangélistes du Midwest, les mormons du Sud se refusant au mensonge, au même titre que cette femme iranienne qui ne peut se forcer de jurer sur le Coran depuis qu’elle ressent le doute…
Et pourtant, que notre culture soit celle-là ou non, peu importe, l’histoire nous touchera tous. C’est en cela qu’Une Séparation est une œuvre marquante cet été. Elle porte l’universalité du Cinéma dans ses veines.
Je ne pourrais m’empêcher de me renseigner sur la vie de ce film en Iran, la façon dont il va être perçu avec ses questionnements sur la religion, la société, la place des femmes dans celle-ci, et surtout l’accueil si chaleureux qu’il aura reçu en Occident. Et pourtant, le plan qui restera figé dans ma mémoire est celui de fin, simple et long, sur lequel le générique défile. Une merveille que le Cinéma permet. Une fin logique, frustrante (on veut connaître la suite), touchante, élégante, juste.
Une fin intrinsèquement cinématographique.