MON JOLY VOTE JUSTE

By matthieu on May 5, 2012 in Points de vue
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Il n’y a pas d’intégrité en politique. Un constat simple et peu novateur mais qu’il est important de réitérer.

La politique, ou l’organisation de la Cité, ne constitue plus l’art de vivre ensemble, d’où provient d’ailleurs l’étrange slogan du candidat des antagonismes et des divisions en 2007, mais bel et bien celui de conserver le pouvoir, ses intérêts, ceux du cousin, du voisin et de tout courtisan du moment.

Un constat simple, puisque depuis 2007, les excès du père de la nation (et d’une nouvelle petite fille) ont inondé les téléviseurs, kiosques à journaux, la blogosphère et plus généralement la toile française et internationale. Bling bling est devenu un mot courant, un crédo, un principe de gouvernement.
Après la culture yuppie, cette nouvelle mode de montrer son argent, ses relations people et son intime (si elle revient, il nous quitte) a pris le dessus sur la notion classique de politique, ce que l’UMP appelle le statut quo des années Chirac, qui laissait au moins supposer qu’un chef de l’Etat représentait l’Etat, au sens noble du terme.

Un constat peu novateur maintenant, puisqu’il est évident que mes pauvres critiques à peine outrées ont été émises depuis les débuts du quinquennat, et sont aujourd’hui perpétrées par l’ensemble de l’échiquier politique, du peu médiatique Philippe Poutou, en passant par le charlatant Cheminade, le gaulliste Dupont Aignant, Miguet, Hollande, Bayrou, Mélenchon, LePen… Même le premier ministre et notre président 2.0 se sont permis ces derniers temps de critiquer, non pas la « faute morale » (dont je ne citerai l’auteur, la plus grosse déception de l’année), mais les « décisions inadaptées », tel le bouclier fiscal qui aurait injustement paru injuste.

Contre cette décadence du pouvoir et pour réinstaurer une intégrité d’Etat, le PS souhaite relancer sa prodigieuse solution électorale du vote utile.

Le récit officiel commence aux origines du traumatisme de 2002. Si nous en sommes arrivés là, ce serait à cause de l’éclatement de la gauche plurielle, à Jospin qui aurait sous-estimé la candidature de Chevènement, à tous ces électeurs gauchistes qui se seraient laissés tenter par le jeune facteur, aux mauvais votants…
La suite est connue de tous : les pinces à linges sur le nez, tout le monde est allé voter contre l’extrémisme antisémite.
« Je vous ai compris » a failli répondre notre heureux mais vieillissant président. Et puis, tous se sont jurés que cela n’arriverait plus… Il faudra désormais voter utile!

Mais en 2007, tout se gâte. Un dangereux mais néanmoins populaire ministre promet de karchériser une cité, de faire la peau aux voyous et de remettre la police à sa juste place (‘répressive’, on s’entend). Très vite, il est clair qu’il représentera aux présidentielles le principal parti de droite, anciennement l’Union pour une Majorité Présidentielle (beau programme), devenu l’Union pour un Mouvement Populaire (voire Populiste).
A gauche, on observe avec crainte l’avènement de ce petit homme aux dents longues et aux ambitions colossales. On regarde les sondages et on mise.
Ségolène Royal, alors devant Nicolas Sarkozy dans les intentions de votes, est très largement choisie par les militants, en dépit de ses piètres prestations aux débats primaires et malgré l’hostilité des éléphants (qui ne se trompent pas forcément).
Malgré un choix résolument tactique et un vote utile au premier tour, elle ne remportera que 46,94% des voix au second (parmi lesquelles, le bulletin de François Bayrou !).

Nous évitons l’extrême droite au second tour mais obtenons la droite extrême au pouvoir.

Je vois plusieurs raisons à ces échecs. D’abord, cette élection qui semblait se définir par un TSS (Tout Sauf Sarko/Sego) a été marquée par l’engouement des classes populaires et d’une bonne partie de la jeunesse pour le candidat de droite.
Ensuite, grâce à cette fabuleuse idée du vote utile, une bonne partie de l’électorat de gauche s’est effectivement engagé pour Royal au premier tour, ce qui a résulté en une infime, quasi inexistante réserve de voix. L’extrême gauche n’ayant pas fait un gros score, seul le report des voix d’électeurs Bayrouistes aurait fait accéder Royal à la fonction suprême.
Enfin, et c’est le plus important, il y a une raison constitutionnelle. Ce système qui veut que l’on ait deux candidats au deuxième tour, pour une victoire claire, unanime et sans ombrage, a été instauré par un homme, pour un homme.
Cet homme, c’est De Gaulle, ce système, celui des présidentielles sous la Constitution de la Ve république. « La grandeur ne se divise pas » disait-il.
En 2002, Lionnel Jospin en fait les frais et remporte 16,18% des votes au premier tour, Jean Marie Le Pen 16,86%. Tous les autres candidats obtiennent moins de 7%.

On peut bien sûr n’exprimer aucune certitude quant au résultat qu’aurait donné le second tour avec une triangulaire. Néanmoins, cela donne à réfléchir, même pour 2007 où le candidat Bayrou se trouve évincé du second tour malgré ses 18,57% de voix.
Il existe pourtant des alternatives à ce fonctionnement. On pourrait par exemple faire accéder au second tour les candidats dépassant un certain pourcentage. Puis, si l’égo politique ne peut se contenter d’une majorité relative, organiser un troisième tour, un quatrième, jusqu’à sélection du candidat par le bon peuple.

En 2012, malheureusement, le dispositif sera le même.

Mais s’il demeure le risque d’une vague bleue marine, elle n’existe qu’aux dépends d’un président sortant droitisant et non du candidat de la force mole, qui par définition ne vole pas l’électorat de la droite dure.
Le candidat PS, François Hollande, est aujourd’hui devant Nicolas Sarkozy dans les intentions de vote et, sauf bévue de sa part, le restera jusqu’aux élections. Sa place au second tour n’est en aucun cas menacée. C’est une erreur, instrumentalisée par certains, de penser qu’un vote utile nous évitera un Sarko/ Le Pen au deuxième tour.
Le vote de 2012 se doit d’être un vote de conviction et non de tactique, qui plus est mal calculée. Il est indispensable de croire en la signification de son vote et non en sa très éventuelle portée. Rappelez-vous du « Au premier tour on choisit, au deuxième on élimine » des élections pre-2002.

Malgré toutes ses qualités (comment ne pas lui en trouver face à Sarkozy ?), je ne voterai pas pour François Hollande. Je ne crois pas foncièrement en son programme. Je ne crois pas non plus que l’on puisse monter une campagne par opposition à l’adversaire, bien que je reconnaisse qu’après 5 ans de Sarkozy, inverser la tendance est en soi tout un programme. Enfin, je ne crois pas au leader qu’il semble être devenu, après les années quelque peu chaotiques passées à la tête de l’appareil du PS.

Ce bulletin de premier tour, je m’en servirai pour défendre le principe démocratique le plus fondamental : la solidarité.

François Bayrou ? L’idée de synthétiser les pragmatismes de gauche comme de droite et de sortir des clivages est très séduisante. Mais le concept à l’épicentre du programme centriste demeure la rigueur, injuste et peu judicieuse à l’heure où les inégalités salariales franchissent des records historiques.
Jean Luc Mélenchon ? Replacer l’humain au cœur d’un monde déshumanisé me paraît louable et à vrai dire nécessaire. Mais de quel humain parle-t-il ? Le ‘peuple’ ? Ce concept creux, cette large notion que tout politique semble connaitre et s’accapare ? Le programme est lui aussi fascinant de populisme. « Il ne faut pas rassurer les marchés. Il faut les frapper, les frapper encore et les frapper un peu plus » dit-il à Libération. Punir les riches, les anoblis et les requins de la finance, pour rendre au peuple (le patriote dira nation) ce qui lui a été volé… Bel exemple de solidarité, à moins que l’humain ne soit pas un terme applicable aux désormais fameux 1%.
Je n’évoquerai pas les candides candidats restants de l’extrême gauche (Lutte Ouvrière accusant Mélenchon de vouloir gouverner avec le PS), ni les marionnettes faussement émancipés de la droite modérée (attention oxymore !), et encore moins Marine Le Pen (bien que les extrêmes se rejoignent et que l’opposition médiatique avec Mélenchon se trouve bien amusante).

Mon vote au premier tour sera accordé à Eva Joly et au programme Europe Ecologie qui me semblent défendre au mieux les notions de solidarité, d’intégrité et de justice, qui constituent pour moi les socles majeurs d’une démocratie en bonne santé.

Je vote pour un programme de gauche qui, au milieu des propositions démagogues ou à échéance, place la durabilité et l’homme (et non le peuple) au centre de ses propositions.
L’écologie a disparu des préoccupations actuelles alors que la menace persiste. La raison est évidente : la crise touche durement et abondamment les gens. L’immédiateté de la survie les pousse à se réfugier auprès du candidat de l’apparente sécurité (non, la crise n’est pas à attribuer aux immigrants), ou de contestation (non, la crise ne disparaîtra pas avec le capitalisme).
Le réflexe est compréhensible mais imbécile. Les pansements de l’un, les diatribes de l’autre, ne résolvent pas les problèmes structurels, ils les aggravent sur le long terme.
Au contraire de tous les autres programmes, et malgré les erreurs et les propositions peu ou mal applicables, le projet écologiste est un programme d’avenir.

Je vote aussi pour une femme intègre, Eva Joly, qui a pour elle une histoire forte de combats valeureux. A l’heure où la fonction de juge d’instruction se trouve menacée par le démantèlement judiciaire de la Sarkozie, il est nécessaire de rappeler que c’est Eva Joly qui fit incarcérer Loïk Le Floch-Prigent, démissionner Dumas, et s’attaqua à Tapie… Aujourd’hui, c’est elle que l’on attaque parce qu’elle n’a pas le bon accent, le bon sexe ou qu’elle n’accepte pas la sclérose du système.

En clair, Eva Joly me donne aujourd’hui l’audace d’espérer (pour employer la formule d’une autre surprise électorale, celle-ci américaine).

Je ne suis pourtant pas naïf et je sais lire les sondages : la candidate ne bousculera pas l’ordre établi. Pourtant, chaque pourcentage est important pour que le vainqueur de 2012 prenne en compte le signal écologiste et qu’il incorpore à sa victoire ses revendications et ses valeurs.
Plus ample sera le score d’Eva Joly, plus éclairé sera son combat, plus justes seront les réformes.

Enfin, c’est aussi important de le préciser, je voterai François Hollande au deuxième tour parce qu’il aura besoin de rassembler tout l’électorat de gauche et du centre pour l’emporter face à Nicolas Sarkozy.
Beaucoup d’électeurs à droite simulent leur malaise social vis-à-vis du candidat. Ne croyez pas cette hypocrisie ! Si tôt que le choix se fera entre le Président décevant et le candidat socialiste archaïque, tous se rangeront d’un seul homme derrière ce seul homme.
Trop extrême avec les Roms, les reconduites à la frontière ? Il aurait fallu être très naïf (un terme pourtant peu en vogue à droite) pour ne pas avoir pressenti la violence et la xénophobie du futur gouvernement en matière d’immigration. C’est incontestable, la droite se rassemblera.
Alors, sans état d’âme et avec comme profonde conviction qu’il fera un président correct, je soutiendrai et voterai pour François Hollande au second tour.

Seulement, je souhaite donner du sens au premier : celui du choix, des valeurs et de l’espoir.

Eva Joly, peut-être n’aurez-vous juste que quelques bulletins pour vous soutenir, mais je vous garantis que chacun d’eux symbolisera un choix juste et constituera, finalement, un vote ‘utile’.

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